Le 8 mars 2006 à Alger
Mercredi 8 mars 2006 - Je m’en souviendrai du 8 mars 2006 à Alger. Personnellement d’abord, car une femme algérienne, moderne, se prétendant démocrate, c’est ce qu’elle vous dira le plus normalement du monde si vous lui posez la question, directrice de radio s’est soumise à son chef, un homme, lui, pour censurer une émission sur la base d’un article qu’elle n’a même pas lu. En ces temps troubles où toute personne défendant la démocratie en Algérie est sensée être sur le qui vive, journalistes de la presse écrite arrêtés, journaux croulant sous les procès, arrêt de la star academy, une femme responsable d’un media est capable d’un tel acte de censure, et en ce 8 mars, d’un tel acte de soumission…. Incroyable mais vrai, la lâcheté peut en effet atteindre de tels sommets, oui, c’est possible…..
Mais au delà ce cet incident, et juste avant que je n’apprenne cette jolie nouvelle, j’ai pu faire un tour au centre ville d’Alger pour tâter l’ambiance de la ville en ce jour de 8 mars…..
Un air de fête flottait, comme un jour d’aid… Les fleuristes étaient dévalisés, au point que les seules fleurs disponibles étaient des œillets, fleur idéale pour un enterrement, fleur moins appropriée pour la circonstance… Beaucoup de femmes dans la rue, avec ou sans hidjeb, beaucoup d’entre elles bien mises, bien maquillés, bien coiffées, avec des boîtes de gâteaux et des bouquets de fleurs…. Au détour d’une rue, deux collègues comparent les cadeaux que leur ont fait leurs entreprises respectives : un savon, une eau de toilette et un déodorant pour la première, un foulard – écharpe pour la seconde, cherchez la symbolique …. En ce 8 mars 2006, le soleil, éclatant, était lui aussi de la partie, et faisait ressortir les façades blanche et le bleu « poulice » des fers forgés, Alger sous le soleil, les rues sont grouillantes, des grappes de jeunes filles remontent et redescendent la rue Didouche, et de jeunes papiches en casquettes font leur numéro de drague et tentent leur chance en susurrant « sahha aidek khti », les jeunes filles sourient, éclatent de rire, certaines jettent la petite œillade qui tue, et le jeune qui l’a ramassée bombe le torse en se dandinant de fierté devant ses copains admiratifs…… Les pâtisseries sont assaillies de femmes jeunes et moins jeunes, certaines s’engouffrent dans des immeubles, il flotte comme un air de fête à Alger….
Mais que fête –t-on ? C’est la question que je me suis posé ? Offrir du parfum et du déodorant en ce jour de 8 mars, qu’est-ce que cela veut dire ? Quelle femme fête-on ? Quel droit des femmes, quelle victoire fête-on, quand on pense que le code de la famille continue à sévir ?
Et je pense à ces femmes qui la nuit, sur des cartons de fortune dorment avec leurs enfants à même le sol, femmes répudiées, femmes sans droit, je pense à celles qui ont perdu la vie car elles voulaient simplement exister, celles qui subissent la pression de leur famille pour tout simplement respirer… Que fête-t-on ?
Chez nous, le 8 mars n’est pas encore une fête, chez nous, le 8 mars est plus que jamais un combat…….