La semaine dernière, je vous ai parlé de ma merveilleuse virée au lieu dit La Madrague , ma débauche de poisson, ma ballade sur le port, une soirée qui s’est terminée, comme vous le savez, dans l’un des cabarets du lieu. Il était un peu plus de minuit, le port était encombré, la brise légère, mais nous deux, transformés pour la circonstance en oiseaux de nuits, nous n’avions qu’une envie, faire la fête…. Ayya, tebhouni, y les auditeurs taa la chaine 3, édition mon blog de l’été 2005, maa Samir, sec….
Les trois videurs du cabaret nous accueillent avec l’attitude de circonstance… Un petit geste de la tête, un regard inquisiteur, et hop, on entre dans le saint des saints, la salle est grande, des tables, des canapés, le cabaret est plein à craquer, au fond de la salle, une chebba, habillée de blanc avec un look à rendre jalouse Beyoncé, aussi blonde de cheveux et que sa peu est cuivrée, chante de sa voix éraillée, en se déhanchant souplement au rythme de l’orchestre… Sur la piste, des jeunes filles, des moins jeunes, l’une en tenue léopard, avec des plate forme shoes vertes, l’autre avec un fourreau noir, l’une en short en jean à la Samantha fox, toutes lèvent les bras et ondulent du bassin sous le regard hypnotisé ou indifférents des mecs présents dans la salle. Un gros malabar en costume noir aux doigts chargé de bagues se lève et jette une liasse de billet aux pieds de la danseuse, pendant que tout le monde applaudit…. L’orchestre est magnifique, la voix semble sortie des profondeurs de l’âme humaine, la derbouka entame un rythme hypnoique, je me lève et je danse, je danse, je n’arrête pas de danser, au milieu des autres, hommes, femmes, je transpire, je saute, je ris, je suis bien, et il y a le voix de cette Beyonce oranaise, de ce jeune homme qui vient de la rejoindre qui chante le rai avec des accents de hip hop, toute la ville me saute à la gorge, je suis entourée des filles de joie qui elles aussi se lachent, une fille danse surune table, longue et fine comme une liane, les hommes dansent et applaudissent alors que certains messieurs à l’air respectable, en costume et cigare, entourés de jeunes filles cinq fois plus jeunes, restent impassible à siroter leur faux sélecto….Jeux de lumières, bleus , rouges, jaunes, les ala kheter qui fusent, j’entend des noms chabba lilia teee mascar, Nono manetta tee wahran, la tchitchi tee ezzeyer, je ne me sens pas visé….Deux grosses matrones, habillées de la même manière, dégoulinantes de graisses se rapprochent de moi et se mettent à danser avec moi, avec sourires et clin d’œil, sans mauvais esprit, juste danser et oublier, prendre du bon temps….Les messieurs d’en face rigolent, tapent des mains et moi, pris en sandwich, humant le mélange de sueur et de parfum bon marché, j’entre en transe, en communion avec les derviches tourneurs d’Alep, avec tous les technomanes de la planètes, avec tous les cabarets de la création, avec l’âme humaine…. Avec la vérité…. Danser, danser et oublier…. Et pleurer à l’unisson sur les tourments de l’amour, les coups de boutoir de la vie, mais aussi, si j’écoute les chansons, sur le zawali amoureux, la fille matérialiste, le portable, la belle voiture et la maison….
Cinq heures du matin, nous sortons du cabaret, certains couples jouent les prolongations sur la pistes en dansant sur un slow de Hourai dauphin, on reprend la voiture, le jour se lève sur Alger, le soleil est un énorme disque rouge, les rues sont vides, il va faire chaud aujourd’hui. Un café à Bab el Oued avec un croissant chaud au milieu de ceux qui vont commencer leur journée, ouvriers, voyageurs, chauffeurs de taxi, je suis bien, le croissant est chaud, mon ami me dépose, je monte les escaliers de l’immeuble silencieux, et je me jette lourdement sur mon lit…. Les oreillers sont doux, la musique résonne encore dans mes oreilles, je vois des corps enlacés, des regards furtifs, l’odeur de mes deux matrones, et comme un bébé, blotti contre le sein de sa maman, je dors en rêvant de Beyoncé……